2024-05_Traité international contre la pollution plastique : une scientifique de l’UPPA invitée à la 4e session de négociations intergouvernementales

Traité international contre la pollution plastique : une scientifique de l’UPPA invitée à la 4e session de négociations intergouvernementales23-27 avril 2024 | Ottawa (Canada)

Par Bénédicte Lamothe, direction de la communication de l'UPPA

En mars 2022, l’ONU, ou plus précisément la cinquième Assemblée des Nations unies pour l’environnement, a adopté une résolution historique visant à négocier un traité international de lutte contre la pollution plastique d’ici à la fin 2024. Ce traité, qui se veut juridiquement contraignant, adopterait une approche globale couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques. Depuis, 193 États sont mobilisés dans la rédaction d’un texte commun, via des représentants qui se réunissent tous les six mois au sein d’un « comité intergouvernemental de négociation ». Après l’Uruguay, la France et le Kenya, c’est le Canada qui a accueilli à Ottawa, du 23 au 27 avril 2024, la 4e session du Comité intergouvernemental de négociation (dite CIN-4). Cette session a rassemblé des représentants de plus de 170 gouvernements, dont l’Union européenne.

En parallèle, et afin d’alimenter les débats avec des connaissances scientifiques récentes, solides et indépendantes, plus de 350 scientifiques indépendants issus de 60 pays différents se sont regroupés au sein de la Coalition des scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques. Ils participent à des groupes thématiques de travail pour la préparation de notes de synthèse à destination des décideurs en amont ou pendant les sessions de négociation.

60 membres de la coalition étaient présents à Ottawa, dont huit scientifiques français. Stéphanie Reynaud, directrice de recherche CNRS à l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux (IPREM) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, en faisait partie.

Stéphanie, quel a été précisément votre rôle sur place ?

La Coalition est présente pour apporter les faits scientifiques, de façon la plus juste possible, sans prendre position. Notre rôle est de faire en sorte que tout le monde ait le même niveau d’information afin de pouvoir négocier un traité efficace.

Juste avant le début des négociations, la Coalition des scientifiques a organisé une grande soirée de présentation rassemblant plus de 200 invités (politiques, organisations non gouvernementales, délégations).

Pendant les négociations, qui ont duré 7 jours quasiment en continu, nous pouvions discuter avec les délégations, agences intergouvernementales et ONG entre les séances et rappeler les résultats scientifiques lorsque les déclarations pouvaient porter à confusion.

Nous étions également présents juste avant les séances pour présenter la Coalition des scientifiques et nos fiches d’information rédigées en plusieurs langues. Puis nous assistions aux séances plénières, qui sont également accessibles en ligne, mais aussi aux séances de négociation confidentielles auxquelles les scientifiques ont accès avec une obligation de réserve. 

Le texte du traité est travaillé par les négociateurs des délégations des États ou leurs représentants. Lorsque les négociateurs se sont exprimés, et s’il reste du temps, la parole est donnée aux observateurs (scientifiques, ONG…). A Ottawa, la Coalition des scientifiques a pu s’exprimer, ainsi que quelques ONG dont des représentants de peuples autochtones.

Y avait-il des scientifiques de tous les pays ?

Non, toutes les délégations n’intègrent pas de scientifiques. La France faisait partie des délégations nationales qui en avaient invité le plus grand nombre. Peu de ministres étaient présents ; le ministre français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu est intervenu en ouverture et a tenu à souligner l’importance de la science dans le processus du traité.

Que fait la coalition en dehors des sessions de négociation ?

L’œuvre monumentale de Ben Von Wong accueillait les participants.

Nous travaillons sur le projet du texte du traité en mettant en lumière les points clés qu’il nous paraît important de clarifier. Il faut savoir que l’on recense environ 16 000 additifs chimiques possibles dans les plastiques. La transparence est nécessaire pour l’accès aux formulations. Nous argumentons aussi sur la notion d’essentialité. Il s’agit de rationaliser l’utilisation des plastiques, pas de tout interdire : sont-ils nécessaires ou remplaçables dans leurs usages ? Le sont-ils à court ou moyen termes ? Quels sont ceux qui restent indispensables ? 

Nous ne souhaitons pas un retour en arrière mais revenir à quelque chose de raisonné. Il semble que l’enjeu est de véritablement réduire la production de plastique à la source, ce qui permet de résoudre plusieurs problèmes à la fois tels que les impacts sur la santé humaine, la biodiversité et l’environnement. En parallèle, la gestion des déchets et le recyclage devront être améliorés et seront un levier supplémentaire.

Au final, qu’est-ce qui ressort de cette session de négociations ?

Malgré des divergences, tous les États sont réunis pour discuter ensemble d’un traité s’attaquant à la problématique de la pollution plastique. Certains États veulent réduire de 40% la production plastique d’ici à 2040, d’autres s’y opposent. Cependant, les différentes parties du texte sont abordées et les États se sont mis d’accord pour avoir des discussions inter-sessions pour la première fois, ce qui pour moi constitue une avancée.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée ?

En tant que scientifique, je ne savais pas à quoi j’allais être confrontée et comment des négociations internationales se déroulaient. Malgré les divergences de position encore présentes sur le texte du traité en construction, j’ai trouvé très impressionnant, et je veux croire encourageant, de voir représentés dans une même salle tous ces États pour construire un texte discutant de la pollution plastique.

En parallèle des négociations, des évènements proposés par des ONG, des universités, des industriels, etc. (conférences, discussions, expositions) ont lieu. Je ne m’attendais pas aux interventions des peuples autochtones que j’ai trouvées extrêmement poignantes, car mettant l’humain au cœur du débat. Les jeunes ont été présents aussi et comme souvent, je les ai trouvés impliqués, précis dans leurs avis et très informés. J’ai été impressionnée par une jeune fille de 14 ans qui a pris la parole à la fin des négociations, avec aplomb et humilité, pour rappeler ce qu’attendait la jeune génération pour un futur plus serein.

De gauche à droite : Tara Olsen, Jean-François Ghiglione, Muriel Mercier-Bonin, Marie-France Dignac, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Xavier Cousin, Stéphanie Reynaud, Gabin Colombini, Fabienne Lagarde.

Les scientifiques d’unités de recherche françaises accrédités au CIN-4 et membres de la Coalition des scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques :

- Juan Baztan, chercheur CEARC (Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines composante Paris-Saclay)

- Gabin Colombini, chercheur associé IRD, iEES Paris (Sorbonne Université)

- Xavier Cousin, chargé de recherche INRAE, MARBEC (Université de Montpellier).

- Marie-France Dignac, directrice de recherche INRAE, iEES Paris (Sorbonne Université)

- Jean-François Ghiglione, directeur de recherche CNRS, LOMIC (Sorbonne Université)

- Fabienne Lagarde, enseignante-chercheuse, IMMM (CNRS / Le Mans Université)

- Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche INRAE, Toxalim (Université Toulouse III - Paul Sabatier)

- Stéphanie Reynaud, directrice de recherche CNRS, IPREM (Université de Pau et des Pays de l’Adour)


Zoom sur le traité contre la pollution plastique

Le texte actuel est construit en 5 chapitres auxquels s’ajoutent des annexes.

Le chapitre 1 est une introduction (préambule, cadre du traité, principes et définitions).

Le chapitre 2 aborde tous les aspects techniques (polymères plastiques primaires, polymères et substances préoccupantes, conception des plastiques et produits en plastique, réemploi, réutilisation, recyclage, alternatives, responsabilité élargie du producteur, plastiques dans l’environnement et transition juste).

Le chapitre 3 traite des futurs aspects financiers et de renforcement des capacités.

Le chapitre 4 traite des aspects de mise en oeuvre du futur traité (plans nationaux, reporting, évaluation, coopérations internationales, éducation et recherche…).

Le chapitre 5 aborde les questions de gouvernance et de mise en place de structures ad hoc (organe d'interface entre science et politique spécifique au traité sur les plastiques notamment).

Le 5e et dernier Comité intergouvernemental de négociation se tiendra à Busan, en République de Corée, fin novembre 2024. Il devrait marquer la fin du processus d’élaboration d’un texte final. Ce CIN-5 sera suivi d’une conférence diplomatique en 2025 où les chefs d’État signeront l’accord.


Documents de la Coalition des scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques

Note de synthèse sur la triple crise planétaire

Réponse au projet de texte révisé (avril 2024)


Dessins de Plop & KanKr (via le label national Science avec et pour la société obtenu par l'UPPA)