2022-03 - STEE - La sélénonéine, une molécule essentielle pour la détoxication du mercure chez les oiseaux marins ?

La sélénonéine, une molécule essentielle pour la détoxication du mercure chez les oiseaux marins ?

La sélénonéine, une molécule contenant du sélénium, a été détectée pour la première fois dans les tissus d’un oiseau marin, le pétrel géant. Les concentrations élevées de sélénonéine dans les tissus sensibles à la toxicité du mercure, comme le cerveau, suggèrent qu’elle jouerait un rôle protecteur vis-à-vis de cet élément neurotoxique.

La diminution de ses concentrations dans le foie avec l’augmentation des concentrations de mercure suggère son implication dans la détoxication du mercure pour former un composé inerte toxicologiquement, la tiémannite. Ces travaux menés sur le pétrel géant par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs du LIENSs (La Rochelle), de l’IPREM (Pau) et du CEBC (Villiers-en-Bois) ont été publiés dans Environmental Science and Technology.

Leur position élevée dans les réseaux trophiques fait que les oiseaux marins sont fortement contaminés par le méthylmercure, une puissante neurotoxine contenue dans leur alimentation. Pour surmonter la toxicité du mercure, ils sont connus pour leur capacité à éliminer le méthylmercure dans leur plumage au cours de la mue, mais aussi à déméthyler le méthylmercure par un mécanisme de minéralisation permettant d’associer le mercure au sélénium pour former des granules insolubles et non toxiques de tiémannite, du séléniure de mercure (HgSe).

Un des aspects clés de la compréhension de ce mécanisme de détoxication du méthylmercure est d’identifier les composés séléniés impliqués dans ce processus. C’est ce qu’ont étudié des chercheurs de La Rochelle Université – CNRS (laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés et Centre d’Etudes Biologiques de Chizé) et de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour – CNRS (Institut des Sciences Analytiques et de Physico-Chimie pour l’Environnement et les Matériaux). L’analyse de différents tissus et organes (foie, reins, muscles, cerveau, sang) de pétrels géants de l’océan Austral par spectrométrie de masse élémentaire et moléculaire a montré pour la première fois chez un oiseau l’existence d’un composé sélénié majoritaire, la sélénonéine (2-sélényl-N,N,N-triméthyl-L-histidine). Cette molécule est un analogue de l’ergothionéine, synthétisée par des microorganismes, et a été précédemment signalée chez les poissons comme les thons.

Chez le pétrel géant, la sélénonéine constitue la principale espèce de sélénium (de 76 à 99%) dans la fraction hydrosoluble pour tous les tissus et organes analysés. Les niveaux de sélénonéine trouvés dans les pétrels géants sont les plus élevés rapportés pour des tissus animaux jusqu'à présent, indiquant que ce composé est transféré dans les réseaux trophiques marins jusqu’aux prédateurs supérieurs. Dans le foie, principal organe impliqué dans la déméthylation du méthylmercure chez les pétrels géants, la diminution des proportions de sélénonéine (de 70 à 5% du sélénium total) avec l'augmentation des concentrations de mercure total pourrait être une conséquence de l'implication de ce sélénoaminoacide dans ce processus de détoxication, impliquant la co-dégradation du méthylmercure et de la sélénonéine et entraînant la formation de tiémannite.

Dans le cerveau, malgré la formation de granules de tiémannite, la proportion de sélénonéine reste remarquablement constante, représentant entre 78% et 88% du sélénium total, ce qui suggère un rôle crucial de cette molécule dans la protection du système nerveux contre les effets néfastes du mercure. Plus généralement, cette étude pose la question du rôle de la sélénonéine dans la bioaccumulation et du transfert du sélénium dans les réseaux trophiques marins.

Référence

El Hanafi K, Pedrero Z, Ouerdane L, Marchán Moreno C, Queipo-Abad S, Bueno M, Panier F, Cherel Y, Bustamante P, Amouroux D (sous presse) First time identification of selenoneine in birds: potential role against Hg toxicity? Environmental Science & Technology

Le DOI n'est pas encore disponible.

Objectif de développement durable

Objectif 14 : préservation vie aquatique

Contact chercheur

  • Paco Bustamente – Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs – CNRS / La Rochelle Université) paco.bustamante @ univ-lr.fr
  • Zoyne Pedrero – Institut des Sciences Analytiques et de Physico-chimie pour l’Environnement et les matériaux (IPREM – CNRS / Université de Pau et des Pays de l’Adour) zoyne.pedrerozayas @ univ-pau.fr

Contact communication

  • Armelle Combaud – Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Université) armelle.combaud @ univ-lr.fr
  • Hélène Josse – Institut des Sciences Analytiques et de Physico-chimie pour l’Environnement et les matériaux (IPREM – CNRS / Université de Pau et des Pays de l’Adour) helene.josse @ univ-pau.fr