Interview réalisée, le 19/11/99 par Cathy Melain, juste après la blessure d'Anna.
(photo1 www.bourgesbasket.com)
(photo2 www.chez.com/nicotango)
-Bonjour Anna, comment vas-tu aujourd'hui ?
A.K.: Aujourd'hui ça va mieux. Ca va de mieux en mieux. Je suis bien
entourée de mon mari, mes amis et mes coéquipières, c'est plus facile à
surmonter.
-Quel a été le diagnostic ?
A.K.: J'ai passé une arthroscopie lundi, ils se sont rendu compte
que le ligament était partiellement abîmé et qu'une partie du ménisque
était touchée. Ils m'ont donc soigné le ménisque et nettoyé le genou.
Dans 4 semaines, nous verrons si je peux continuer à jouer comme ça ou si je dois subir une nouvelle
opération.
-Ta rééducation ?
A.K.: Pendant 10 jours, mon genou reste au repos complet. Je peux marcher
mais pas plus. Après ces 10 jours, j'entame une rééducation avec le kiné,
avec beaucoup de musculation. Dans 3 semaines, je reprends le chemin des parquets, tout en douceur.
Pas de précipitation.
-Seras-tu là pour le match contre Wuppertal ?
A.K.: Tout dépend de la façon dont je vais
récupérer. Je vais commencer par l'entraînement, pour tester tout d'abord et
récupérer mes capacités, je veux être à 100%. Encore une fois,
pas de précipitation.
-Tu ne pars donc pas en équipe nationale pour les qualifications ?
A.K.: Non, je n'y vais pas pour jouer mais j'irai pour les manifestations
avec les partenaires et les conférences de presse pour présenter l'équipe nationale
qui participera aux Jeux Olympiques. Quoiqu'il arrive je n'irai pas pour jouer.
-Quel effet cela fait-il d'être sur le banc ?
A.K.: C'est horrible !! J'ai l'impression qu'on a 2 fois plus la pression
que quand on est sur le terrain. Je préfère être sur le terrain que sur le banc.
J'espère bientôt revenir.
-Est-ce une expérience de coach ?
A.K.: Je ne le vois pas comme ça. Il y a des choses que l'on voit
plus facilement sur le banc que quand on est sur le terrain. J'essaye donc de conseiller mes
coéquipières, et je les encourage. Je ne suis pas l'entraîneur mais une joueuse qui
n'est pas là pour l'instant.
-Comment trouves-tu l'équipe sans toi ?
A.K.: On a une certaine façon de jouer où toutes les joueuses
à chaque poste sont capables de marquer. Je ne suis pas la base du jeu, je fais partie du 5 majeur.
Andréa a pris ma place et apporte beaucoup au rebond et en défense. En attaque, elle
prend de plus en plus de responsabilités. Les autres joueuses ont su compenser mon absence et elles
ont montré qu'elles pouvaient gagner sans moi. Elles l'ont prouvé contre la meilleure
équipe d'Europe actuellement : Ruzomberok (champion d'Europe en titre). Elles ont vraiment fait un
super match !!!
-Combien de temps souhaites-tu encore jouer ?
A.K.: Je suis à la fin de ma carrière mais elle n'est pas
encore terminée. Tout dépendra de ma santé, de ma capacité à jouer
à haut-niveau et de mon envie.
-Souhaites-tu aller jouer en Slovaquie ?
A.K.: Non, juste en équipe nationale aux Jeux Olympiques. Ce qui
sera ma dernière représentation en équipe nationale.
-Entraîneur après ta carrière ?
A.K.: Oui, mais que des jeunes. C'est plus intéressant, il est
important d'avoir de bonnes bases. Je ne souhaite pas être entraîneur professionnel,
être à 100% dedans. Je préfère le faire comme un hobby, à
côté de mon travail.
-Raconte nous tes premiers pas dans le
basket ?
A.K.: J'ai commencé dans la ville
où j'habitais, Banska Bystrica. J'ai commencé en minime. C'est ma
voisine qui est venue me chercher "je vais au basket, veux-tu venir avec
moi ?", j'avais 11 ans je crois. Jusque là je ne faisais pas de
sport. Mon père jouait au volley-ball, nous étions une famille de
sportifs. J'y suis allée et je suis restée.
-Quel a été ton parcours ensuite ?
A.K.: Ensuite, je suis allée dans un
lycée sportif, un peu l'idée de l'INSEP en France. Mais ce
n'était pas une sélection nationale, plutôt
régionale. C'était la première fois que l'on associait
études et sport. Il y avait plusieurs sports : basket, athlétisme,
gymnastique... nous devions passer des tests scolaires et sportifs. Nous nous
entraînions deux fois par jour et nous rejoignions nos clubs respectifs
pour les matches du samedi et dimanche. J'ai commencé à jouer
en 1ère division Tchécoslovaque à 16 ans. Après le
lycée, j'ai continué mes études dans une université
. J'ai étudié les Lettres et l'Education Civique.
-Et du côté purement sportif ?
A.K.:Entre temps, j'ai été
sélectionnée en équipe nationale à partir de 17 ans.
J'ai pu, par ce biais, me faire connaître. Il y avait peu de clubs
tchécoslovaques engagés en Coupe d'Europe. Ma dernière
année, avant de partir à l'étranger, nous avons
été championnes de Tchécoslovaquie. J'avais 22 ans, mes
études étaient terminées. L'année d'après, je
suis partie à Mirande.
-Comment Alain Jardel (ancien entraîneur de
Mirande) t'a-t-il contactée ?
A.K.: Avec l'équipe nationale, nous avons fait le
tournoi du Printemps à Toulouse . Il est venu me demander si ça
m'intéresserait de venir jouer en France. Pendant le jour de repos, Alain
Jardel m'a fait visiter Mirande. J'ai rencontré les filles qui jouaient
déjà dans cette équipe. Je connaissais déjà,
pour avoir joué contre elles en équipe nationale, Valérie
Garnier, Martine Campi, Nathalie Etienne-Bergeaud et des petites jeunes comme
Corinne Zago et Läetitia Moussard. A l'époque, elles étaient
championnes de France et cela me semblait intéressant de pouvoir disputer
la coupe d'Europe des clubs champions. C'était une occasion de progresser
et d'évoluer dans un club de haut-niveau. J'avais plusieurs propositions
venant d'Allemagne, d'Italie et de Hollande. Mais la France était le pays
qui m'attirait le plus.
-Avais-tu un agent ? Comment cela se passait-il ?
A.K.: Non, je n'avais pas d'agent. J'avais un avocat pour
m'aider à faire un contrat en règle. C'était ma
première expérience à l'étranger, j'avais 22 ans, ce
n'était pas évident à l'époque de partir du pays.
-Il y avait un problème pour la lettre de sortie ?
A.K.: Avant , il était difficile de sortir du pays. Il
fallait attendre un certain nombre de sélections en équipe
nationale et avoir environ 30 ans. Ensuite seulement la fédération
donnait une lettre de sortie. Mais en 1989-1990, il y a eu la révolution,
nous n'avions plus besoin de l'accord de la fédération. Nous
avions le choix. Mon contrat avec Banska était terminé donc je
pouvais faire ce que je voulais.
-Ensuite direction Mirande ?
A.K.: Je suis restée 4 ans à Mirande. La
première année, j'ai fait toute la préparation, j'ai
joué quelques matchs du championnat de France. Mais avant le premier
match de la coupe d'Europe des champions, je me suis blessée. Le ligament
était rompu..
-Ce fameux ligament ?
A.K.: Oui, ce fameux ligament. Je me suis fait opérer
à Toulouse. Je n'ai pas joué de toute la saison. Je suis quand
même restée à Mirande pendant toute l'année. Les 3
années qui ont suivi, nous avons toujours été dans les 4
premiers du championnat de France.
-Tu n'as donc pas fait ta première coupe d'Europe des
champions, ce pourquoi tu étais venue ?
A.K.: Non, ma première coupe des champions je l'ai
disputée avec Bourges.
-Ton arrivée à Bourges?
A.K.: Je suis arrivée à Bourges en 1994. Depuis
nous avons été 2 fois Championnes d'Euroligue, gagné la coupe
Ronchetti et été championnes de France chaque année.
J'espère que ça va continuer !! (rire)
-Te rappelles-tu de ta première sélection en équipe nationale ?
A.K.: C'était en 1985, pour le championnat d'Europe en
Italie. Nous avons terminé 4ème. J'avais 17 ans.
-Combien as tu de sélection en équipe nationale ?
A.K.: Je ne sais pas exactement. Environ 300-350,
équipes nationales Tchécoslovaque et Slovaque comprises.
-Comment s'est passé la séparation avec la
république Tchèque ?
A.K.: C'était politique, nous ne souhaitions pas cette
séparation. Au niveau sportif, les championnats respectifs et
l'équipe nationale se sont séparés en 1992,juste
après les Jeux Olympiques de Barcelone. Cela nous a affaiblies, nous
étions plus complètes ensemble. Tous les sports ont été
touchés : le hockey sur glace, le football...
-A combien de championnat d'Europe, du monde et J.O., as-tu participé ?
A.K.: J'ai fait 7 championnats d'Europe : 2 fois deuxième, 1
fois troisième et 4 fois quatrième. Ensuite, 4 championnats du
monde : 2 fois quatrième, 1 fois cinquième et 1 fois
huitième. Et enfin 2 Jeux Olympiques, et bientôt 3, où nous
avons fini 8ème à Séoul et 6ème à Barcelone.
-Une nouvelle fois aux J.O. ?
A.K.: Jamais 2 sans 3 !! J'espère faire partie de la
sélection. Mais si je ne peux pas participer en tant que joueuse, la
fédération et l'entraîneur m'ont promis de m'emmener, pour
mes services rendus au pays. Je ferai partie de la délégation.
-Ta soeur sera aussi du voyage ?
A.K.: C'était mon rêve, quelque part, de pouvoir
partager les J.O. avec elle. Nous jouons ensemble depuis longtemps, mais ce sera
une découverte pour elle. En plus ce sera ma dernière
participation en équipe nationale.
-Quels sont les objectifs de la Slovaquie à Sydney ?
A.K.: (rire) Notre premier objectif était de
se qualifier pour les J.O.. Ensuite, ce sera de faire le meilleur résultat possible. Il n'y a pas,
en ce moment, un pays qui domine, cela s'est vérifié au dernier championnat du monde
en Allemagne. Les 4 équipes européennes sont très fortes, il y aura l'Australie
chez elle, les Etats-Unis, Cuba et la Chine. Ca va se jouer à peu de
choses. L'expérience et la sérénité feront la
différence. Les Jeux Olympiques sont complètement
différents de n'importe quel autre championnat.
-Dernière question, c'est la finale des Jeux Olympiques
France-Slovaquie, égalité, il reste 8 secondes, il y a 7 fautes collectives, j'ai la
balle en contre attaque, tu es face à moi, que fais-tu?
A.K.: (rire) J'essaie déjà de ne pas te
faire mal. Je fais faute pour que tu ne puisses pas marquer... Non, je vais
essayer de te contrer (rire), c'est très dur je sais ! Mais si je
ne te contre pas, je vais essayer de faire faute pour tester ta force mentale
sur les lancers-francs. Enfin, si nous sommes déjà en finale ce
sera "TOP"... Etre championne Olympique pour la fin de ma
carrière... Tu es jeune, donc tu loupes les lancers-francs et nous allons
en prolongation. Tu as encore le temps ! (rire)
Merci Anna et bon rétablissement.